« Ce bloc de temps pétrifié »

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L’an dernier, sur un ancien terrain militaire qui n’est plus en activité, non loin de chez moi, on a organisé une sorte de grande expo de plein air: les oeuvres sont restées en place, au vent, au public, aux intempéries et au soleil pendant 2 mois, sans surveillance; gloablement, (et sauf 2 ou 3 exceptions) j’ai été très déçue par ce que j’ai vu…

Cette année, de nouveau on m’a demandé si je voulais participer, et le terrain, la poésie des lieux: le Causse, lieu de mémoire du travail paysan m’ont inspirée. J’ai pensé au bleu du ciel, au bleu de travail des agriculteurs, à la modestie des vêtements, à leur beauté aussi. Humilité immense dont nous manquons tant. J’ai cherché ce qui me convenait; dans une grange, abandonnée sur un clou, j’ai trouvé cette veste…….. et c’est sur elle que j’ai travaillé:

Un coeur récupéré dans une poche, aux bords brûlés,  un portrait de laboureur imprimé sur textile (il porte la même veste), je l’ai plastifié, et tout est cousu puisque personne ne surveille ce lieu ouvert à tous les vents qui souffle sur la région…

« Viens, mon amour, viens cueillir les éclairs dans le jardin nocturne. Prends ce bouquet d’étincelles bleues, viens avec moi arracher quelques heures incandescentes à ce bloc de temps pétrifié, unique héritage que nous laissèrent nos parents. » (Octavio Paz)

 « Pour mémoire noeud au mouchoir », au grand mouchoir bleu avec lequel les paysans s’épongeaient le front, le même dont ils nouaient les 4 coins lorsque la chaleur était ardente au soleil de l’été!

HABIT HABITE:

Une plume cueillie au détour d’un chemin par la main calleuse et qu’il a enfilée dans sa boutonnière, une montre en gousset, une chaînette de  coton résistant, la mémoire paysanne, l’habit habité!

« Par les soirs bleu d’été, j’irai par les sentiers »,  (Rimbaud)

Poésie du bleu de travail: une pièce de tweed et un peu de ciel bleu, celui des yeux, celui du vêtement de mémoire: « La peinture est mémoire nimbée de lumière. » (M.Angel asturias)

Vieux drap, lisières, récup’, reprises main et machines, les couches se superposent; vêture émouvante qui dit la sueur,le gagne-pain, les soirées, les matinées, les dimanches passés à gagner durement sa croûte…………

Celles  qui me suivent depuis les débuts (voir http://artisanne-textile.fr/?s=page+robe+de+m%C3%A9moire&paged=2) se rappeleront la robe de mémoire bien plus précieuse que j’ai cousue il y a  2 ans (Peau d’âme en janvier 2011)et qui transmet une mémoire familiale…L’oeuvre est diffrérente, mais tout aussi pleine de sens et attachante….

La prochaine fois, vous verrez non plus les détails, mais l’ensemble. Puisse le vent qui souffle sur le Causse donner à cette veste la possibilité de se détacher de la pesanteur des jours laborieux…….La Mémoire lui donnera des ailes et la rendra légère, plus légère que la boue du champ …Mes amies -abeilles, faisons notre miel de ce passé qui nous pousse à aller de l’avant en nous souvenant des mains qui ont ouvert le chemin sur lequel nous avançons…A dimanche!


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