A la recherche de ce temps que je croyais perdu…

La robe mémorielle 3:

Résumé des épisodes précédents: Donc, la robe fut rangée et oubliée; ma fille me demanda de raconter 4 générations de femmes sur une robe. (non pas pour la porter -et bien qu’elle y rentre-, mais comme « installation » et support mémoriel) .

Je la cherchais longtemps, en vain; le grenier avait été modifié, chamboulé; la « grande tempête » était passée par là, fichant le bazar dans une maison ancienne qui tremblait sous les coups de boutoir du vent déchaîné. Je pensais trouver un autre support, mais au fond de moi, c’est justement celle- là que je voulais. Cette belle robe pleine de sueur, d’amour, de rêves enclos, de vie enfuie et qui ne demandait qu’à revivre .L’idée -enfin!-vint…et je la retrouvai, non changée; je l’étais bien davantage!. Il manquait la large ceinture, mais elle était là, vibrante; jepensais à celle qui l’avait portée, à sa soeur, ma maman qui jamais n’oublia sa « Jeannette », à ma grand-mère qui avait revécu sa jeunesse en voyant ses deux filles, étourdies de bal, grandir et devenir des femmes.Lavage à l’eau froide. Des taches restaient. Un beau jour de la fin du printemps 2010 (il fallut 8 bons mois pour aller au bout du projet!) la robe fut étalée sur la pelouse fraîche, et je dessinai sur le devant un grand arbre en hiver que je peignis à la peinture textile; juste les branches.Lorsque ce fut sec et fixé, dans un taffetas plissé-froissé, j’appliquai un tronc que je rebrodai; les branches furent ornées de multitude de feuilles découpées dans des chutes de coton vert, appliquées partiellement pour « décoller » du support, et avec des points variés: festons, tige, chevron, crétois…….(j’ajoute au sujet des tissus, que je couds uniquement ou presque avec mes réserves, j’habite loin d’une grande ville, j’ai donc pour habitude de « faire avec ce que j’ai » et d’utiliser mes réserves; je vis sur un tas de chiffons, mais pour moi, c’est un vrai trésor! C’est aussi une habitude et c’est devenu une démarche créative)

Petit arbre deviendra grand

Hommages: La prochaine fois, vous verrez l’arbre en entier; je regrette de n’avoirpas pris de photos lors de l’évolution du travail, j’étais toute dans le « faire ». Et je me trimballais avec un grand sac pleins de bouts de tissus, de souvenirs, de perles…….de notes griffonnées, de citations sur l’arbre, les femmes….En moi aussi, ce qui m’avait nourri depuis longtemps: le travail de Polline Moineau ( blog: Le curieux petit lieu) et celui de Marie- France Dubromel (blog: La mercière ambulante) deux filles qui parlent des femmes, du tissu, de l’écriture, deux univers qui me touchent et me « parlent », deux univers d’ailleurs différents. Quant aux autres, SVP, ne vous froissez pas; j’ai le coeur large et aime bien d’autres gens, blogs et oeuvres; simplement, celles-ci font ce que j’ai eu plaisir à faire dans ce projet -là, il y a une parenté, un fil tendu entre elles et moi et je marche sur ce fil, funambule…avec le risque de me casser la figure par rapport à ce que j’aime tant chez elles. Je n’ai pas voulu non plus les copier; ce que me demandait ma fille était personnel et répondait probablement à une envie et une nécessité intimes. Demande particulière, réponse originale, avec mes moyens et surtout avec ce que je voulais et avais à dire.

Auprés de mon arbre, je vivais heureuse

La robe mémorielle suite, à propos du titre d’hier: « devoir de mémoire »

Le titre précédent m’était venu comme ça, sorte de cliché automatique, mais il me chiffonnait, et je craignais  que quelqu’une le commente à juste titre ; je pensais à la citation d’Ibsen: « Devoir, ah! Je ne puis souffrir ce vilain mot, cet odieux mot ! Il est si pointu, si aigre, si froid. Devoir, devoir, devoir! On dirait des coups d’épingle! »

Des coups d’épingles, d’aiguilles, de crochet,  et de tout le bataclan des couturières..……….disons-le tout net, je n’aime pas non plus ce mot, dans ce contexte-là: j’ai unpeu freiné face à mon projet de narration textile, mais j’ai aussi éprouvé du plaisir, je me suis lancé un défi, et j’ai aimé le processus de création tout autant que le résultat. En écrivant monprénom, ceux de ma lignée, j’étais en Paix, je me sentais guidée, jen’étais pas seule…. des femmes aimées m’accompagnaient.

Je parlerai plus tard de ces fils libres; si le projet a pour nom « Peaux d’âmes », c’est que la robe -parure de fêtes et de bals- fut faite, portée, aimée, caressée  puis brodée par plusieurs d’entre nous; les rêves s’y sont tramés avec le fil qui la constitue.

Le sous-titre « Anna- Chronique », jeu de mots entre l’adjectif  et le prénom de ma fille Anaïs, 4° génération, celle qui fut à l’origine du projet. Vous semblez ne pas me croire, mais mine de rien, l’assemblage se fait,l’histoire  avance, se dé- voile,…… ce tissu léger  qui masque sans masquer…

Le devoir de mémoire (robe mémorielle 2)

Me voilà en train de raconter une histoire familiale, moi qui ai prévenu que je ne voulais pas étaler ma vie privée;  croyez-bien que je le fais le plus discrètement  et pudiquement possible,  de façon à ce que vous compreniez ce que je veux raconter. Toujours le souci de transmettre et partager.

Peut-être avez-vous vous-même  constaté ce fait : Nos proches ne s’intéressent pas ou n’aiment  pas toujours ce que nous faisons. Le sachant fort bien, j’ai demandé à une de mes filles ce qu’elle aimerait particulièrement recevoir de moi; elle eu cette réponse étonnante (digne du Coeur cousu de C.Martinez qu’elle n’a lu que tout récemment !!) »une robe, une robe ancienne qui me parlerait de toi, de ma grand-mère , des femmes de la famille……… » J’ai eu une tante morte très jeune (et qui laissait un petit garçon , mon cousin); elle a eu 18 ans entre les années 30 et 40, elle sortait beaucoup, sa maman avait une couturière (pensez: 2 filles à habiller!) mais elle-même cousait et brodait (c’est elle qui m’a appris!) Donc, ma grand-mère probablement fit un jour une belle robe de taffetas ivoire, longue et décorée de 2 grands rubans froncés en bas de jupe (bandes en  en « ruché ») , de tout- petits boutons devant, une fermeture cachée derrière,  et « en forme » pour mieux tourner quand sa fille dansait.

Un jour, la danseuse aux yeux clairs les ferma pour toujours,la robe fut remisée par sa soeur (ma mère)  et par sa mère (ma grand-mère, vous me suivez?) Le temps s’écoula, la robe dans du papier de soie ne bougea pas. Un jour, j’eus 18 ans. Dans les années 70 et des poussières , on continuait à mettre des robes longues parfois, et je portais la robe qui m’allait très bien. Je la mettais pour me déguiser, pour des jeux de rôle, jouer la comédie….Cela dura un temps, la robe se fatigua de faire la folle et la fête, et moi de la mettre; je la rangeais.

Nous la retrouverons demain…………si vous le voulez bien

Dans ce 2° aperçu de la ceinture, les fleurs (marguerite au ruban et fleur-yoyo), le « bouquet de noeuds » sont inspirés du livre 4 de L.Stansal (carnets cousus) La « fleur » rouge est réalisée au point indien « Chémanthy », une sorte de point crétois. Une des fleurs est faite avec un ruban de tulle que j’ai moi-même découpé dans un métrage, ce n’est pas si difficile que ça! Les mouchoirs étaient tous à  ma mère.

Photo 2: à gauche, (infime morceau de la robe)ma maman, Margot, à doite ma maman et sa soeur Jeanne. vous allez voir: petit à petit, le puzzle va se mettre en place…………..

Merci à celles qui  s’intéressent  à cette histoire, qui me laissent des commentaires, et m’envoient des mails; cela me soutient  dans ma tentative narrative de remonter le courant de nos vies!

Je réponds sur la page des commentaires à ceux qui me sont laissés; si je raconte cette histoire, c’est que je crois que nous pouvons toutes avoir un projet semblable et ainsi renouer les fils du temps, et nous réconcilier avec notre héritage.

Que dirait une robe si elle pouvait parler? (robe mémorielle 1)

 C’est l’histoire d’une robe…qui a une histoire, une histoire qui me touche véritablement tant elle est pleine de souvenirs; cette histoire illustrée va durer pendant quelque temps,  une quinzaine d’articles à peu près; elle est à suivre…………comme les chapitres d’un livre. Quand on décide de remonter le temps, ..on a tout le temps!

J’ai écrit sur une page blanche…en taffetas!La crainte de commencer, syndrome de la page blanche- était la même……..Et cette écriture n’est pas achevée, elle reste in-finie.Je peux toujours ajouter, les idées quand j’ai été lancée, (après bien des hésitations et craintes),   se sont succédées,………….Ma fille, ma petite fille auront leur mot à dire……… 

Que diraient les objets s’ils pouvaient parler? Que raconteraient les robes de celles qui les portèrent à fleur de peau?  Certains objets me laissent froide, même s’ils sont très beaux, mais d’autres moins rares me parlent, simplement parce qu’ils ont une histoire.

Il était donc une robe ancienne…………En taffetas.

 Il était aussi une fille.  Et sa mère. Et sa propre mère. Et sa grand-mère…………………….

                                                                            Suite au prochain numéro!

Photo 1: la robe,  avait perdu sa ceinture; des mouchoirs anciens et familiaux furent assemblés et rebrodés; c’est eux qui donnèrent à la robe blanche les couleurs qui manquaient et l’émotion…sans laquelle aucune histoire ne vibrerait ainsi que les cordes d’une harpe.Montage  sépia pour ne pas trop en dire encore…………Le fil doit se dérouler lentement pour ne pas s’embrouiller……..Je répète pour les impatientes qui  se manifestent:

Quand on décide de remonter le temps, ..on a tout le temps! Si on va trop vite, on oublie le plaisir; Le désir est un moteur puissant; ce qui est satisfait dans l’immédiat n’a pas la saveur du bonbon qui dure, du chocolat qui fond douceeeeeeeeeeeeent!!

 

Femme prise au filet des mots (intermède 1)

Entre deux séquences, je vous proposerai une photo de fils, filets, de fils ou textiles…………Ces intermèdes  feront la transition et matérialiseront la connexion entre le fil et le texte, puisqu’une citation acccompagnera la photo.

Lors du prochain intermède, je vous dirai pourquoi cette pause me semble intéressante.

Extrait d’un texte de  Antonio Lobo Antunes: »Les femmes,me semble-t-il, aiment qu’on les capture dans un filet de phrases ». Nous sommes comme des poissons, nous taquinons le risque et aimons donc les mots et les hommes…………..Toute femme est un peu une sirène: donc « victime consentante ». Nous avons déjà écrit que nous n’étions pas non plus innocentes; ainsi, par le biais des textiles (le filet),  des textes( A.L.Antunes),  et celui de ce blog, se dessine peu à peu le portrait d’une femme, si ce n’est celui de toutes les femmes…

C'était pourtant bien, le sud...

J’aime la douceur colorée de ces filets aux tons changeants, chauds, leurs parfums iodés, les aventures de haute-mer qu’ils content.

PS1: Photo prise sur les quais de Port- Vendres.

PS2: lisez d’Antonio Lobo Antunes, Dormir accompagné ou Explication des oiseaux, étrange, original et fascinant.

Attention, la plupart du temps, je répondrai à vos  commentaires  directement sur ce blog; cela me permet de n’oublier personne!C’était déjà le cas lors du précédent billet (Nadine, Mijane….)